Croisière sur le Guadalquivir ... du 9 au 16 octobre 2014

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  Al Andalus, contre vents et marées ...

 

Comme les Conquérants de José Maria de Hérédia nous partions du 9 au 16 octobre vers Séville, Cadix, Gibraltar, Cordoue, Grenade, Palos et Moguer, « ivres d’un rêve » romantique d’Al Andalus. Vingt et un à l’aéroport d’Orly et autant en arrivant au port de Séville où nous attendait une confortable « Belle de Cadix ».

D’emblée notre fougue fut douchée par une première averse. Le crachin du lendemain ne nous empêcha pas de rendre hommage au personnage de Don Juan (Tenorio), de visiter la vielle ville, sa Cathédrale et d’admirer la Giralda (girouette), son clocher-minaret, copie conforme de celui de la Koutoubia de Marrakech. Suivit un tour de ville en passant par les parcs et les rives du Guadalquivir « … grand fleuve, roi d’Andalousie aux nobles sables (1) » que domine la fameuse Tour de l’or où s’entassait jadis le « fabuleux métal » arraché aux Indiens d’Amérique. 

 

 

La navigation vers Cadix malgré le vent fut des plus agréables et nous eûmes tout loisir d’admirer le parc naturel de Donana l’une des plus grandes zones humides d’Europe, étape des oiseaux migrateurs entre l’Europe et l’Afrique. Un « tablao » moderne passablement enlevé achevait cette longue journée.

 

Au petit matin ensoleillé et frisquet et nous nous retrouvâmes à Jerez de la Frontera  sur les terres des deux latifundistes locaux les Domecq et les Gonzalez-Byass. Des premiers, dont l’emblème est un monstrueux taureau noir remarquable à des lieues à la ronde, nous virent justement l’élevage des taureaux de combat et des chevaux. Des seconds, dont l’emblème est un gigantesque « Tio Pepe » avec sa bouteille de Jerez, sa guitare et son cordobès noir incliné sur la tête, nous vîmes les immenses chais, véritable ville dans la ville. Et au milieu d’un amphithéâtre rempli de fûts nous eûmes droit à une dégustation de deux crus (un sec et un doux) qui surprirent plus d’un palais tandis qu’une andalouse de rêve dansait amoureusement avec un couple (cavalier et splendide pur-sang espagnol blond ) tout aussi agile et élégant que sa partenaire. De retour à Cadix, leçon d’histoire à propos de la constitution libérale de 1812, dite de Cadix et visite de la ville avec au passage, entre autres, la maison natal de Manuel de Falla.

ALERTE METEO

Nous n’irons pas naviguer sur le Guadiana hispano-portugais les autorités maritimes estimant que la « Belle de Cadix », plus taillée pour les fleuves que pour la mer, ne pouvait pas prendre le risque de cette traversée. C’est ainsi que nous nous mîmes à l’abri dans le coquet Puerto de Santa Maria voisin. 

Il pleuvait fort sur la grand route menant à Gibraltar. Après les chicaneries frontalières d’usage nous eûmes droit à un fog authentiquement britannique jusqu’à la grotte Saint Michel, étonnante formation géologique avec ses concrétions dantesques. A la sortie du site une horde de singes détrempés nous saluaient tout en essayant de tirer les sacs de certains. (Education britannique ?). Le shopping fut bref parce que c’était « Sunday closed ». L’après-midi, au sud du sud de l’Europe, au milieu des champs d’éoliennes le royaume du Maroc était pour ainsi dire à porter de main. Pour des raisons de sécurité le retour vers le Guadalquivir et Séville  fut avancé. « La belle de Cadix » et ses passagers essuyèrent un petit coup de tabac qui en éprouva plus d’un. Au moment du dîner on naviguait enfin sur le fleuve mais la salle de restaurant était moins fréquentée que d’habitude.

 

Le lendemain nous franchissions à pied le pont romain de Cordoue avant de visiter l’antique capitale du royaume omeyyade, sa synagogue, son évocation de Maimonide, le grand philosophe juif, juriste, premier ministre de l’Egypte mamelouk, et celle de Mohammed al Cafequi  l’un des premiers ophtalmos d’Europe à opérer avec succès des cataractes au XIIe siècle.

 

 

Enfin, récompense suprême la visite de la mosquée-cathédrale et sa forêt de piliers et d’arcs finement chantournés évoquant une palmeraie. Nous avons pu vérifier la pertinence du propos attribué à Charles Quint s’adressant aux bâtisseurs de la cathédrale : ce que vous avez fait là on peut le voir partout, ce que vous avez détruit on ne le voyait nulle part ailleurs. Si Cordoue est fameuse « tant par la plume que par l’épée (2) » elle aime aussi la poésie arabe comme le montre un galant poème bilingue du XIIe siècle gravé sous deux mains amoureusement enlacées :

 

Ton amour m’a rendu célèbre dans le monde  (…)

Quand tu t’absentes personne ne peut me consoler

Quand tu reviens le monde entier est là. (3)

Enfin Grenade fut l’apothéose pour les participants de cette croisière, avec la visite de l’Alhambra, sa cour des lions (enfin restaurée après des années de travaux), celle des légendaires Abencérages, la salle du trône, celle des ambassadeurs, les bassins, les mosaïques éblouissantes et cette formule obsédante répétée dans le marbre ou le plâtre des milliers de fois et dont les Nasrides avaient fait leur devise : « Il n’y a de dieu que Dieu » (sans aucune allusion à Mahomet ou au Prophète de Dieu).

 

Charles Quint aussi imprima sa marque - mais sans rien détruire - avec un remarquable palais renaissance carré autour d’une cour ronde à colonnade où fut tournée une des scènes de « la Folie des grandeurs ».

Et que dire des somptueux jardins, des jets d’eau, des bassins du Généralife. Les mots manquent. Si vous voulez en savoir plus parlez-en aux heureux amicalistes qui ont vu de leurs yeux vu, ou alors écoutez « Nuits dans les jardins d’Espagne » de De Falla.

 Jeudi 16 avant de regagner Paris nous poussâmes jusqu'à Palos de la Frontera et au monastère de la Rabida où Colomb prépara son aventure vers les Indes Occidentales avec ses « routiers et ses capitaines ivres d’un rêve héroïque et brutal ».

 Trois reproductions des fameuses Nina, Pinta et Santa Maria s’ennuient visiblement dans un petit bassin fermé où elles sont parquées. Pour nos ultimes heures sur les rives du Guadalquivir un grand quartier libre ensoleillé nous régala  pour faire le plein chaleur et de lumière  avant d’affronter les froidures de l’automne et de l’hiver.

--  (Compte-rendu et Photos:Philippe Thébault & Philippe Escriva )  

           

(1) Selon Luis de Gongora, poète du siècle d’or, complètement ringard aujourd’hui d’après notre excellent guide

(2) Gongora.

(3) Ibn Zaïn